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Retour sur un Edumix 100% en ligne

Les 29 et 30 juin a eu lieu le premier Edumix en ligne, un sprint d’innovation autour de problématiques éducatives. Nous vous proposons un retour sur ce que nous en avons appris. 

Mais d’abord, rappelons de quoi il s’agit.

Remixer un lieu, c’est l’habiter de manière collaborative et créative pendant un temps limité et intensif. Une expérience d’invasion massive d’un espace et d’un service public en vue d’explorer de nouvelles manières de les envisager, de les vivre, de les co-produire. 

Imaginez un hackathon, deux ou trois jours de travail collaboratif intense par des équipes constituées pour l’occasion, mais dans un contexte particulier et interrogeant les habitudes et fonctions du lieu.   

Le premier remix a eu lieu dans un musée en 2011 : c’est devenu l’évènement et communauté Museomix. Des adaptations se sont ensuite développées dans les bibliothèques (Biblioremix), les gares et espaces urbains (Garemix ou Cityremix), les églises (HackMyChurch)  ou dans l’éducation avec Edumix.

Depuis 2017, des Edumix se sont déroulés dans des collèges publics et privés et dans des écoles d’ingénieurs.

Cette année, crise sanitaire oblige, nous (Bureau des Possibles + Jean Pouly du cabinet Econum pour le compte du collectif Digitalise) avons adapté le format pour qu’il fonctionne en ligne. Il devait initialement se tenir dans un centre de formation des apprentis de la Région Centre-Val de Loire et était destiné aux CFA et IF2S de la Région. Pour décoder ces deux sigles, il s’agit des établissements qui forment des apprentis (transport, bâtiment, métiers agricoles, artisanat…) et les instituts de formation des métiers de la santé et du social. Le sujet retenu étant les pratiques pédagogiques à distance, il devenait très cohérent de vivre cet événement en situation distanciel puisqu’il s’agissait bien d’habiter de manière créative et collaborative ce « lieu » particulier que sont les espaces et pratiques numériques.

Comment se passe un Remix en ligne ? 

Nous avons décidé de réduire le format à 2 jours, car les activités en ligne sont assez intenses et fatigantes avec une alternance de temps de plénière (début et fin de journée) et de travail en équipe de 6 à 7 personnes.

Au préalable, nous avons réparti les 40 participants dans 6 équipes différentes, en tenant compte de leurs préférences exprimées lors de l’inscription, afin de leur attribuer un sujet les intéressant et d’avoir un maximum de diversité dans les équipes. Chaque équipe avait une thématique particulière à travailler (l’apprentissage des décrocheurs, former à la facilitation à distance, partager nos innovations d’usage, accompagner à distance les apprentissages professionnels, évaluer à distance, articuler le distanciel et le présentiel).

Nous avons utilisé Zoom pour sa capacité à créer des sous-salles de travail permettant de « déplacer » les participants entre les temps de plénière et le travail en petite équipe. Nous utilisions aussi Miro comme tableau blanc partagé dans les équipes.

Les équipes suivaient une progression très précise dans leur démarche d’idéation de manière à guider le travail et leur permettre de progresser par étape dans leur projet collectif. Chaque équipe était animée par un facilitateur que nous avions formé auparavant. Nous avions à la fois des formateurs qui se lançaient pour la première fois dans la facilitation d’équipe et des facilitateurs professionnels qui étaient venus nous donner un coup de main et tester le format (spécial dédicace à Pérrine Pauvert, Céline Avenel, Mickael Burow et Céline Mauras).

A la fin du deuxième jour, un forum des projets donnait 30 minutes à chaque équipe pour présenter son projet à des membres des autres équipes et des visiteurs extérieurs.  Pour éviter un tunnel trop long de présentations, nous avons ouvert 3 sessions en parallèle et ainsi permis aux 6 projets d’être présentés et discutés en 1 heure. 

Prendre en compte les contraintes de la distance

Le travail en équipe était découpé en séquences d’1h15 à 1h30 avec des pauses et des déconnexions régulières avec un livrable à produire ou objectif à chaque séquence. En effet, il est difficile physiquement et cognitivement de travailler plus d’une heure trente en ligne. Il est important de laisser des espaces de déconnexion et d’inviter les participants à en profiter pour faire une activité physique ou se reposer. Certains temps de pause étaient allongés mais prévoyaient en contrepartie un temps de travail personnel qui permettait de démarrer le collectif par une mise en commun. Il a fallu aussi inviter des petits rituels qui se prêtent à la distance. 

Le déroulé était très cadré pour la première journée et beaucoup plus libre pour la deuxième : en effet la première journée est là pour créer l’alliance au sein de l’équipe et pour passer les étapes d’idéation jusqu’au choix et la définition des grandes lignes du projet à produire, cela demande d’être guidé pour réussir à prendre des décisions dans un temps limité. La deuxième journée est, quand à elle, un temps de production et chaque équipe avait la possibilité de se fixer un objectif très différent à atteindre et devait être libre d’avoir recours aux outils et à l’organisation de son choix. 

Une session en ligne demande une précision minutieuse. En terme d’organisation, c’est de fait moins lourd qu’un remix présentiel avec toutes ses contraintes logistiques fortes : aménagement des espaces de travail et de convivialité, installation d’un fablab et autres outils techniques, gestion des repas et du catering. Par contre, on perd en capacité d’improvisation car le temps est encore plus compté : on ne peut pas se permettre de laisser les participants attendre 5 minutes ou les laisser dans le flou. Cela nécessite donc d’avoir préparé un déroulé très précis, les supports de présentation et les supports numériques à compléter et d’avoir bien testé le format et les outils au préalable.  

Le fait de multiplier les outils et passer de l’un à l’autre peut être source de plantage (par exemple, le simple fait de partager son écran via un outil de visioconférence change l’organisation des fenêtres et l’ergonomie de l’outil : on a vite fait de perdre le chat ou sa liste de participant au moment où on commence à partager son écran). On retrouve les problématiques liées à une performance publique : pour l’animateur et les facilitateurs il faut donc s’entraîner pour acquérir des automatismes qui nous laisseront plus de disponibilité cognitive pendant l’évènement.

Le travail de préparation est aussi très important car il convient de bien cibler les problématiques et de cadrer les productions des équipes : une fois que le sprint est lancé, il est trop tard pour revenir en arrière.

Quels livrables pour un remix en ligne ? 

Pas de prototypes en carton ou électronique, pas d’espaces ré-aménagé à tester comme dans un remix présentiel : les productions des équipes devaient comprendre des documents numériques (pdf, powerpoint, site interactif, vidéo..)  et une présentation complète qui a été filmée.  Les thématiques travaillées par les équipes portaient principalement sur des questions de pédagogie en situation distante et l’objectif n’était pas tant d’imaginer et de prototyper une idée très originale que de favoriser l’échange et la capitalisation des bonnes pratiques. Nous étions moins dans la créativité que dans l’identification des innovations déjà portées par les formateurs et les établissements et les stratégies de leur appropriation. 

Il est important toutefois de rappeler que les livrables ne sont jamais l’objectif premier de ce type d’évènement, le premier bénéfice est dans l’expérience vécue par les participants qui cherche à être modélisante, la qualité des échanges, les relations qui sont construites. 

Nous avions aussi mis en place une média room et Marie assurait le travail d’interview et de documentation de cet évènement. Ce qui nous permet aujourd’hui d’en retrouver toutes les traces. Sans cela, une fois l’évènement terminé et tous les participants retournés à leurs activités habituelles, il serait très difficile de capitaliser sur les productions.

Qu’est-ce qui fonctionne bien dans ce type de format en ligne ? 

A l’issue de cette session (et des nombreuses sessions en ligne que nous avons dû animer ces derniers mois), on constate que l’on arrive dans ces situations à une très bonne et un peu étonnante qualité des échanges et une bonne dynamique d’équipe. Les participants intègrent qu’un fonctionnement à distance demande une certaine discipline dans les prises de paroles.  Au final, on arrive souvent à des temps plus efficients qu’en présentiel puisqu’on évite certains débats stériles. Quand les équipes ne sont pas trop grandes et bien animées, il se crée une véritable écoute et des relations de confiance apparaissent. 

La préparation des livrables et des plénières est aussi facilitée par le fait que les supports numériques sont déjà au coeur des échanges et des productions des équipes. Il est plus facile de les préparer et d’obtenir des réalisations finalisées utilisables ensuite en plénière. (Nous utilisions pour cela des propriétés de Google Drive qui nous permettaient de récupérer automatiquement les productions des équipes au moment de la mise en commun, nous évitant ainsi de courir comme lors des sessions présentielles dans les dernières minutes après des clefs USB et des formats incompatibles).

Enfin, les présentations des équipes étant réalisées dans Zoom, il est très facile d’en faire la captation et d’obtenir des traces avec un son et une image de qualité (sans avoir à faire de réalisation comme on devrait le faire si on devait filmer les présentations lors d’une conférence ou d’un forum en présentiel). 

Qu’est-ce qui marche moins bien ?

On ne peut pas gagner sur tous les tableaux, la version en ligne d’un sprint collaboratif a aussi ses limites. 

On perd globalement en énergie : on n’a pas le même ressenti d’une énergie collective qui propulse 50 ou 100 personnes à l’issue d’un temps de plénière dans un même lieu.

Le format étant très organisé, les échanges informels sont beaucoup plus difficiles. Il n’y a pas la sérendipidé que permet le déplacement physique dans l’espace et la rencontre d’autres personnes. Pour compenser cela, il faudrait soit introduire des temps plus gratuits et libres qui favorise le hasard et les croisements, soit articuler une session en ligne avec des temps d’échanges en présentiel. 

Nous avons pu remarquer qu’il a fallu pour certaines équipes du temps pour s’approprier les outils de brainstorming (comme Miro) et, bien que cela soit formateur et très en lien avec le sujet, cela a pu nuire à la disponibilité pour les échanges.

Quelques points de vigilance 

Pour qui voudrait se lancer dans une telle session collaborative en ligne, il ne faut pas sous-estimer l’ingénierie liée à la maîtrise de Zoom. La fonction de création de sous-salles est très utile mais pour pré-affecter des participants, les déplacer au bon moment, cela demande de jongler avec les limites de la plateforme. Nous avions une personne dédiée à cela (merci à Sarah qui a assuré le rôle de ZoomMaster) et ce n’est pas du luxe !

Il était nécessaire pour utiliser ces fonctions que les participants utilisent un compte zoom, ce qui n’a pas été sans poser de problèmes à des personnes qui ont l’habitude d’être invitées à des sessions zoom sans compte. 

Enfin la facilitation en ligne demande d’une part des compétences de facilitateur et la connaissance des dynamiques d’intelligence collective et d’autre part la pratique des multiples outils qui seront utilisés pendant la session.  Cela demande donc un certain entraînement pour être à l’aise et parer à toutes les situations. 

Si cela vous intéresse, nous avons mis en place des offres de formation autour de ces sujets : de la simple conduite de réunions en ligne (qui n’est pas si simple qu’il y paraît) à la facilitation d’évènements collaboratifs. 

Par ailleurs, nous pouvons vous accompagner dans la mise en place d’un Edumix présentiel ou à distance.

Et, déjà, nous avons en perspectives quelques nouveaux défis avec des évènements comme celui-ci mais dans d’autres domaines, à une autre échelle et sur plusieurs fuseaux horaires… 

Retrouvez les productions de cet Edumix 100% en ligne ici :