Nos projets

Utiliser les données pour co-construire les politiques culturelles

Le 20 Novembre 2025, nous avons proposé un temps d’échange en visio, pour partager notre approche lorsqu’on sollicite les données pour éclairer les habitants, les équipes culturelles et les élus qui co-construisent une politique culturelle ou un projet culturel.

Les animatrices de ce temps d’échange : Angélique Robert, conceptrice de formats et de dispositifs engageant et facilitatrice et Julie Borgeot, co-conceptrice de projets et de politiques culturelles.

Voici le lien du replay de ce temps d’échange : Les rendez-vous des possibles – Utiliser les données pour co-construire les politiques culturelle

La proposition de ce Rendez-vous des Possibles :

Des retours d’expérience concrets de projets accompagnés par le Bureau des Possibles depuis 2023, complété des témoignages des participants : services culturels départementaux et intercommunaux (lecture publique, enseignements artistiques, développement culturel territorial), structures du spectacle vivant, agences culturelles régionales, universitaires et consultants.

Il s’agissait aussi de célébrer l’ouverture des données d’activité des bibliothèques, et de partager plus spécifiquement nos expériences de l’utilisation de ces données dans des démarches de co-construction.

Dans les collectivités que nous accompagnons, nous observons le besoin d’un outil de dialogue souvent absent des démarches de co-construction : des données utiles et lisibles. Pour y répondre, nous aidons les équipes à s’approprier leurs données et à utiliser les données ouvertes qui peuvent leur être utiles. Nous les aidons à créer les indicateurs (progrès, impact, moyens) qui les intéressent, et les datavisualisations qui les rendent plus lisibles. Nous proposons d’utiliser les données comme un outil de co-conception parmi d’autres, et jamais comme une fin en soi.

Revenons aux données de la Lecture Publique, qui nous semble être un domaine inspirant, en avance par rapport à d’autres secteurs culturels pour la collecte, l’usage, l’ouverture des données.

1 – Les données d’activité des bibliothèques, leur collecte et leur ouverture en Juin 2025

Tous les ans, plus de 13 000 bibliothèques renseignent leurs données d’activité dans le cadre d’une enquête nationale du ministère de la Culture (on l’appelle souvent “enquête SLL” ou “Neoscrib”). Cette enquête existe depuis la fin des années 1960 et elle est coordonnée par l’Observatoire de la lecture publique. Les bibliothèques départementales aident à la collecte auprès des bibliothèques de leur territoire et bénéficient en retour des données locales. C’est une collecte conséquente qui prend 5 mois, avec environ 600 questions, et un taux de réponse de 80%.

Jusqu’à Juin 2025, ces données étaient publiques mais pas ouvertes. Le Ministère avait les données nationales, les départements avaient les données de leur département, et les acteurs qui avaient besoin de comparaisons s’adressaient directement aux départements ou à l’observatoire.

Depuis la loi de 2016 pour une République Numérique, l’ouverture des données publiques est devenue la règle par défaut. C’est cet alignement réglementaire combiné à la sensibilisation de certaines personnes au ministère de la culture et à notre demande concrète, qui a permis en juin 2025 la publication sur data.gouv.fr de 46 colonnes : équivalents temps plein salariés et des bénévoles, la surface de bibliothèque, le nombre de documents, le nombre de prêts, l’accès au Wifi, les dépenses, etc.

Ces données servent à alimenter les rapports d’activité, à valoriser le travail des bibliothèques et des réseaux, à observer leur évolution dans le temps. 

Elles permettent aussi de justifier des demandes de budget ou d’équipement en comparant les situations locales aux moyennes moyennes départementales et nationales. L’ouverture des données nationale encourage aujourd’hui la création d’outils de visualisation, comme celui développé par la Médiathèque Départementale de l’Yonne qui croise les données des bibliothèques avec d’autres données ouvertes (écoles, collèges, élus). L’outil peut être réutilisé par d’autres départements, et pourra être enrichi de moyennes nationales, calculées à partir des données ouvertes récemment.

Ces comparaisons, beaucoup plus difficiles à réaliser avant, deviennent aujourd’hui accessibles à tous.

← Un exemple réalisé pour la ville de Vannes qui avait mis en commun des données avec d’autres villes similaires/comparables, pour échanger avec les élus. C’est un exemple parmi d’autres de comparaison beaucoup plus facile à faire aujourd’hui grâce à l’ouverture des données nationales.

2 – Notre usage des données d’activité des bibliothèques pour co-construire les politiques culturelles

Val d’Oise : des indicateurs de progrès au service de la stratégie

En 2023, la Bibliothèque Départementale du Val d’Oise constatait que les données SLL étaient longues à collecter mais finalement peu utilisées dans leur stratégie. Nous les avons accompagnés pour définir 4 indicateurs de progrès alignés sur leurs axes stratégiques, avec quatre niveaux pour aider les bibliothèques à se situer. Pour calculer ces indicateurs, il manquait des données sur le numérique et le développement durable. Nous avons donc envoyé un questionnaire complémentaire, et pour encourager les réponses, chaque bibliothèque recevait en retour un portrait personnalisé avec ses niveaux, ses données SLL et une comparaison avec les autres bibliothèques du département. Les bibliothèques se sont approprié ces portraits, les ont améliorés en ateliers et s’en servent maintenant comme outils de dialogue avec les élus.

Val d’Oise : des portraits de territoire pour la coopération interdirectionnelle

Pour soutenir les coopérations avec d’autres directions du département, nous avons conçu une fiche par communauté de communes qui croise données de lecture publique et données d’autres services. Ces portraits de territoire ont depuis été étendus à l’ensemble de la direction de la culture et sont devenus un modèle que nous employons dans d’autres contextes.

Mayenne : une enquête sur le numérique pour alimenter le schéma départemental

La Bibliothèque Départementale de la Mayenne avait besoin d’une étude particulière sur le numérique dans le cadre de l’écriture du schéma départemental de lecture publique. Ensemble, nous avons imaginé quelle enquête lancer sur le territoire pour compléter les données SLL et obtenir les informations manquantes sur les pratiques numériques des bibliothèques.

Lezoux : des indicateurs sensibles co-construits avec les habitants

À la médiathèque de Lezoux, nous avons co-conçu avec des bénévoles et des habitants des indicateurs plus sensibles qui dépassent les seuls chiffres d’inscrits ou de prêts. Ce travail a permis de faire émerger des critères d’impact qui reflètent la valeur sociale de la médiathèque, dans ce territoire très rural connu pour sa culture participative. Cette démarche s’inscrivait dans une étude de la BPI en lien avec le Service du Livre et de la Lecture, et la médiathèque a poursuivi ensuite en co-construction.

Vannes / Golfe en Bretagne : visualiser pour co-construire

Dans le cadre du co-diagnostic du réseau des médiathèques du Golfe en Bretagne, nous nous sommes appuyés sur la visualisation des données dans le cadre d’ateliers de co-conception des actions et des scénarios. C’est bien là l’aboutissement de notre démarche : rendre visible et lisible ce qui se vit sur les territoires pour faire évoluer les politiques de demain.

3 – Autres exemples de nos usages des données pour co-construire les politiques culturelles

TMN Lab : mutualiser les données du spectacle vivant

Du côté du spectacle vivant, le besoin était d’avancer sur la mutualisation des données entre acteurs. Nous avons conçu et animé cinq ateliers en visio avec des membres de la communauté du TMN Lab pour identifier les besoins concrets, les données existantes ou intéressantes, les usages potentiels et les freins à cette mutualisation. Le groupe a défini la gouvernance d’une première preuve de concept. Le TMN Lab a lancé une expérimentation le 2 décembre, en lien avec le ministère de la Culture, la DGCA et le SNUM.

Rectorat de Rennes : dessiner les données

Dans le cadre d’un accompagnement avec le rectorat de Rennes, nous avons montré que les formes de visualisation peuvent varier et qu’on peut aussi les dessiner. Les visualisations dessinées permettent de rendre les données plus accessibles et de sortir des formats classiques de tableaux et graphiques.

4 – Ce qui ressort des échanges de ce rendez-vous

Après avoir présenté nos expériences concrètes, nous avons invité les participants à témoigner : services culturels départementaux et intercommunaux (lecture publique, enseignement artistique, développement culturel territorial), structures du spectacle vivant, agences culturelles régionales, universitaires et consultants. Ensemble, nous avons évoqué les points suivants : 

Réhabiliter les données qualitatives dans le secteur culturel

  • Les données quantitatives souffrent parfois d’une mauvaise réputation dans le domaine culturel. 
  • Le vrai problème : les données sont souvent collectées uniquement pour les rapports de subvention et ne servent pas réellement aux acteurs. Pour améliorer cette réputation, il faut avoir de vrais échanges sur l’utilité des indicateurs collectés. 
  • Les préoccupations concernent parfois l’instrumentalisation des données contre les collectivités : il est nécessaire d’accompagner systématiquement les données de leur contexte et d’explications pour éviter les contresens.

Les défis techniques et organisationnels de la collecte et de l’interprétation des données quantitatives

  • Les DSI rechignent souvent à ouvrir les données ou à mettre à disposition des outils de visualisation, et les restrictions de sécurité limitent l’adoption d’outils alternatifs (comme Looker Studio), même quand ils sont plus efficaces.
  • Les difficultés sont accentuées dans les petites structures : les petites bibliothèques font face à des problèmes avec leurs logiciels de SIGB qui ont un accès limité aux données, et le manque de compétences informatiques dans les bibliothèques tenues par des bénévoles complique encore la situation. 
  • Au-delà des aspects techniques, il reste difficile de dégager du temps pour développer ces outils et comparer les indicateurs annuels dans toute leur complexité (avec des facteurs extérieurs qui ont une influence sur les indicateurs comme le fait de passer à un nombre de prêts illimité par personne ce qui fait réduire drastiquement le nombre d’inscrits à la bibliothèque)

Les portraits de territoire comme outil de coopération

  • Les portraits de territoire (1 fiche par EPCI) décrivent les structures culturelles et les opportunités de coopération entre directions. Ce modèle suscite l’intérêt des participants, et certains ont déjà mis en place des pratiques similaires.
  • En Ardèche, les directions Culture, Sport, Jeunesse et Vie associative remplissent chaque mois un document pour 2 EPCI. En un an, ils couvrent ainsi 18 EPCI. Cet outil reste pour l’instant interne, et la réflexion porte maintenant sur son partage avec les partenaires, malgré les limites des données quantitatives.